L'entreprise qui fixe des prix inférieurs aux coûts commet un abus de position dominante

L'entreprise qui fixe des prix inférieurs aux coûts commet un abus de position dominante

Published on : 09/08/2021 09 August Aug 08 2021

L’abus de position dominante consiste pour une entreprise ou un groupe d’entreprises d’adopter un comportement ou des pratiques dont l’effet direct est d’éliminer un concurrent, de le contraindre sinon de le dissuader à s’installer sur le marché. La pratique de prix prédateurs, c’est-à-dire pour un opérateur économique dominant de vendre en dessous de ses coûts de production, est caractéristique d’un abus de position dominante. 
À terme, de tels comportements ont pour conséquence de fausser le libre jeu de la concurrence, de telle sorte que l’abus de position dominante figure parmi les pratiques commerciales interdites. 

En France, l’abus de position dominante est prohibé à l’article L 420-1 du Code de commerce, et plus largement, cette pratique est sanctionnée au niveau européen par l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 

C’est au visa de ces deux textes que récemment la Cour de cassation a rendu une décision à la suite de sa saisine concernant une situation d’abus de position dominante pratiquée par la SNCF. 

L’affaire en question concerne un recours de la société SNCF contre une décision de l’Autorité de la concurrence la sanctionnant pour avoir pratiqué auprès de certains usagers des prix considérés comme prédateurs ou d’éviction, de telle sorte qu’étant inférieurs aux coûts de production relatifs aux prestations classiques de transport par train, il était impossible pour toute entreprise concurrente de s’installer ou perdurer sur le marché. 

Condamnée à une amende de plus de 60 millions d’euros, la SNCF s’est pourvue en cassation soulevant l’argument que, compte tenu du fait de sa position particulière sur le marché lui imposant de supporter des coûts supérieurs à ceux des concurrents, notamment du fait des obligations réglementaires pesant sur elle seule la plaçant dans une situation désavantageuse par rapport à des opérateurs concurrents ne supportant pas les mêmes contraintes. 
En conséquence, elle estime que les prix pratiqués n’étaient pas inférieurs aux coûts qu'auraient supportés les nouveaux concurrents, puisque le choix du client peut s’effectuer sur un autre paramètre que le prix du service, et même si les prix pratiqués ne permettaient pas à la SNCF de couvrir ses propres coûts, rien n’empêchait des concurrents plus efficaces en termes de coûts de couvrir leurs propres dépenses. 

La Cour de cassation rejette ces arguments sur la base de décisions prises en la matière par la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a par ailleurs rappelée que « l’analyse relative au caractère abusif des pratiques tarifaires d’une entreprise dominante se fait uniquement par référence à ses tarifs et coûts, peu important la circonstance selon laquelle ses concurrents seraient soumis à des conditions légales et matérielles moins contraignantes » (CJUE 14/10/2010 C-280/08). 

Elle précise alors que : « la position d’opérateur historique, si particulière fût-elle face à des concurrents même soumis à des conditions légales et réglementaires moins contraignantes, ne justifie pas de tenir compte, dans la mise en œuvre du test du concurrent plus efficace, des coûts de ces derniers ».

Ainsi, l’entreprise qui tient une position dominante sur le marché et fixe des prix inférieurs à ses coûts est coupable d’un abus de position dominante, indépendamment de sa position particulière sur le marché, en l’espèce historique, puisque créée en 1937. 

Référence de l’arrêt : Cass. com 9 juin 2021 n°19-10.943

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